Polémique Zucman et Tectonique Stratégique
- Paul Gagnon
- 24 sept.
- 3 min de lecture

Le débat fait rage en France autour de la taxe Zucman ciblant les grandes fortunes. Les sondages indiquent qu’une large majorité de Français y serait favorable, sur fond d’inégalités croissantes et d’équité fiscale.
L’objet de cet article n’est pas de trancher sur le bien-fondé de la mesure. Je propose plutôt une analyse macro-environnementale du phénomène, telle que je la développe dans mon livre « La Tectonique Stratégique ».
Pourquoi une lecture macro-environnementale ?
Pour l’entreprise, l’analyse macro-environnementale a un objectif simple : identifier les opportunités et les menaces que recèle le contexte. Mais la qualité de cette lecture dépend de la compréhension fine de ses six composantes :
politiques et géopolitiques
économiques
socio-culturelles
technologiques
environnementales
légales
Plus qu’un cadre, ce macro-environnement est devenu un système complexe : chaque facteur interagit avec les autres. Un mouvement dans l’un entraîne des répercussions en cascade.
L’enjeu n’est donc pas seulement de dresser des listes, mais de saisir les dynamiques et les interdépendances. De distinguer les symptômes des causes et donc d’agir efficacement.
Point de départ : la taxe Zucman
Cette taxe met en lumière un phénomène clé : l’accentuation des inégalités de richesse.
En 1987, Forbes recensait 140 milliardaires, majoritairement américains et européens. En 2025, on en compte plus de 3 000, avec une fortune cumulée de 16 000 milliards de dollars.
Pourquoi une telle augmentation ?
Facteurs économiques
Montée du néolibéralisme dans les années 1980 (dérégulation, primat du marché).
Mondialisation (accords de libre-échange, chute de l’URSS, montée en puissance de la Chine, financiarisation accrue).
Taux d’intérêt historiquement bas, surtout après la crise des subprimes.
Développement fulgurant des entreprises de la Tech.
La mondialisation a ouvert des marchés gigantesques et permis l’optimisation des modèles d’affaires par la délocalisation. La financiarisation a dopé les valorisations boursières, tandis que le crédit bon marché a alimenté l’investissement et… l’envolée des prix d’actifs.
La Tech, quant à elle, combine demande exponentielle et modèles de plateformes à effets de réseau, créant des fortunes d’une ampleur inédite. Neuf des dix Américains les plus riches aujourd’hui viennent de ce secteur.
Facteurs politiques
Recul des États face au pouvoir grandissant des entreprises.
Désindustrialisation et dépendance à la Chine, avec pertes d’emplois et bases fiscales érodées.
Déficits publics croissants, nourris par la montée des dépenses sociales.
Concurrence fiscale et subventions massives pour attirer ou retenir les capitaux.
Facteurs sociaux
Emplois industriels bien rémunérés remplacés par des emplois précaires ou moins payés.
Régions entières transformées en déserts économiques.
Politiques monétaires expansionnistes favorisant les emprunteurs et les détenteurs d’actifs au détriment des épargnants et des salariés.
Épargne placée sur des supports sûrs mais peu rémunérateurs, tandis que l’immobilier échappe aux revenus moyens.
Facteurs technologiques
Les plateformes numériques ont bâti des monopoles de fait.
L’IA, la robotisation et l’automatisation transforment le travail, accentuant la polarisation des revenus.
Facteurs environnementaux
La transition énergétique crée de nouvelles opportunités industrielles, mais aussi des fractures sociales entre gagnants et perdants.
Les coûts liés au climat pèsent déjà sur les budgets publics et accentuent les tensions sociales.
Facteurs légaux
Multiplication des « tax rulings » et paradis fiscaux, permettant aux multinationales de limiter leur contribution.
Compétition fiscale entre États au détriment des recettes publiques.
Conclusion : lire les secousses tectoniques
Si la taxe Zucman suscite autant de débats, ce n’est pas seulement parce qu’elle vise les ultra-riches. C’est parce qu’elle met à nu un déséquilibre systémique : nos sociétés ont vu se creuser un fossé entre une économie financiarisée et mondialisée, et des États qui peinent à maintenir leur souveraineté budgétaire et sociale.
Faut-il y voir une menace ou une opportunité ? Les deux, sans doute. Menace, car les fractures sociales et territoriales nourrissent une instabilité politique qui fragilise nos démocraties. Opportunité, car cette tension oblige à repenser en profondeur les règles du jeu économique et politique.
C’est précisément ce que je développe dans « La Tectonique Stratégique ». La question n’est pas seulement de taxer ou non, mais de comprendre les mouvements de fond – économiques, technologiques, sociaux, géopolitiques – qui redessinent le paysage. Comme des plaques tectoniques, ces forces s’entrechoquent, provoquant secousses et bouleversements. Les dirigeants qui sauront les lire auront une longueur d’avance.
Mon propos est simple : nous sommes entrés dans une ère de mutations irréversibles. Plutôt que de subir ces chocs, il est temps d’apprendre à les cartographier pour mieux les gouverner. C’est le cœur de la démarche que je propose dans « La Tectonique Stratégique ».
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